C’était il y a fort longtemps, à Takiyouyou-la-Forêt-Noire, faubourg des Charmes Rompus, dans les jardins des Sortilèges. Un étrange peuple fou de friandises y vécut heureux : des cannibales. Des cannibales qui s’excitaient à fourbir leur chaudron où mijotait la traditionnelle soupe d’yeux bridés au caramel, ou encore le pot-au-feu de cervelles de chasseurs allumés. Des cannibales qui vénéraient leur jeune prince, d’une rare beauté gourmande, à la peau d’ébène sucrée qui éblouissait les rayons du soleil. Sa dense chevelure bleue de marshmallow sentait la fraise des bois. Quant à la reine, d’une laideur élégante et raffinée, elle se plaisait à se griser de l’alcool de la solitude.
— Fils, dit-elle à son Prince. Tu sais que je t’aime jusqu’aux étoiles, aux pierres du désert …
— … et jusqu’au reflet de décembre dans les rivières. Oui Mère, vous me le dites tous les soirs.
— Fils, aujourd’hui encore, tu sais, les miroirs m’ont tourné le dos.
— Oui Mère, ils ont raison. Je veux dire, votre beauté … affirmée, n’a nul besoin de miroir.
Comme à l’accoutumée, Prince sélectionnait son panier de confiseries au bar à bonbons, pour le souper. Et pendant ce temps, la reine ainsi que toutes les chipies, délicates demoiselles et autres sorcières de la terre, ne se lassaient de s’égarer dans la beauté de ses yeux verts. Toutes semblaient le supplier du regard, lui chantant en silence : “mangez-moi, Sire, croquez-moi !”
— Non, objectait Prince, vous n’êtes pas sans savoir que j’ai jeté mon dévolu sur mon ragoût préféré. Les avocats au calisson. Pas trop mûrs, d’ailleurs. La trentaine, dont la chair est plus tendre. Alors je vous prie, veuillez me lécher tranquille.
Très souvent même, ces libellules lui offraient leur cœur posé au fond d’un bouquet de berlingots et de guimauves enrubannés. Hélas, toutes les fois que ses doigts de prince cannibale maladroit défaisaient le ruban, le cœur s’écrasait au sol, dans sa mollesse liquoreuse et tremblotante.
— Encore un cœur brisé, soupirait alors la reine.
Ce soir-là cependant, le valet niquedouille teigneux dévoué tout, bref le serviteur du pas laid, se laissa choir entre les caissons de bière vide de sa Majesté la Reine. Il eut l’air préoccupé. Tracassé. Presque angoissé.
— Un souci, niquedouille ?
— Oui Mazesté, concéda-t-il. C’est que … on a un os. Enfin, un p’oblème. Une pénu’ie, si z’ose di’e. Bien que de moins en moins rentable pou’ ce’tains comme’çants, tous les avocats du monde ont été consommés.
Reine haussa un sourcil, perplexe.
— Dans ce cas, que Prince essaie donc de nouvelles douceurs. Qu’en dis-tu, fils ?
Prince acquiesça. Et la nouvelle fit le tour de la terre. Et toutes celles qui avaient dilué leur rêve dans les colorants de l’absurde réalité reprirent espoir. Sautiller de joie. Se proposer de se faire gueuletonner, sustenter, becqueter, brichetonner tout ça là. Pralinées, pastillées, dragéifiées, peu importait. Sur l’interminable liste des suggestions figuraient des Charlotte, des Suzette – lesquelles se proposaient de se faire goûter en crêpe – ou encore des belles Hélène bonnes poires … Bref, Prince découvrait. Tandis que les délices se bousculaient au portillon, le reste du monde se délectait de se voir enfin révéler la fameuse sélection de l’héritier acidulé et non moins adulé du royaume des heureux cannibales.
En fin de souper donc, Niquedouille saupoudra de sa touche ébouriffante les cheveux bleus en marshmallow et les parfuma au nuage de fraise. Puis, il invita Prince à quitter le bar à bonbons et à aborder la foule brûlante de curiosité.
— Mesdames et Missiés, s’inclina Niquedouille. Voici venu le moment tant attendu de la g’ande ‘évélation.
Une avalanche d’applaudissements se déchaînait. Puis le silence tomba sur Takiyouhou-la-Forêt-Noire. Pourtant, les cheveux bleus en marshmallow subitement s’enfuirent en hâte, loin des regards médusés. Mais ventrebleu, où donc courez-vous, Sire ?
— Pas de panique, chuchota Reine. Il est parti chier.
— Pa’don, vot’e Mazesté ?
— Prince est parti chier. Humer les fragrances telluriques des belles de nuit sous le clair de lune. Les lieux d’aisance, Niquedouille. Un peu trop forcé sur la dégustation, je compatis.
Tandis que la foule s’impatientait, Niquedouille s’éclaircit la gorge. Heureux d’être le premier, après la reine, à prononcer le mot tout neuf du jour, il proclama alors sur un ton des plus solennels :
— Mesdames et Missiés, sa Mazesté le P’ince est pa’ti ssier.
— Pâtissier ? s’étonna la foule. Comment ça ?
Et Reine d’intervenir, une angélique confite à la main :
— Oui, veuillez donc l’en excuser. Votre Altesse s’est fait un diplomate et un financier. Et une religieuse.
Tu es devenue ma pire ennemie. Tu t’es marié et cependant tu as préféré me jeter aux orties pour ce sale type alors qu’il m’a manqué de respect. Tu es la pire individue que j’ai pu rencontrer sur ma route. Tu n’as jamais été une amie. Ton amitié était fausse. Va au diable !
???
Tu souffres d’une grave maladie mentale …!
toujours en vacances la Miss qui dirige cet univers?
en tout cas profites-en encore
des bisous en attente de te lire
Coucou ma tendre et succulente belette ! Hi hi….juste à point comme je les aime. …tes histoires qui me font toujours fondre. …Félicitations ! J’ai tout dégusté sans en rater une seule miette tellement ta nouvelle était gourmande ! J’ai particulièrement aimé le passage. …heu oserais je le dire. ..CHIER….hi hi…Le prince n’aurait jamais dû s’engouffrer toutes ces mignardises ! Gros gros bisous ♥ ma Belette et à très bientôt sur une de tes prochaines nouvelles que je ne manquerai pas de lire avec délice. …♥♥♥♥
Hahaha ma Cécile, merci d’être passée dans l’antre d’une Belette, tu m’arraches un sourire de bon matin. Hélas je ne reprendrai pas l’écriture de sitôt (toujours pas le temps … Fait chier … Chier … CHIER) (rires)
My god j’ai manqué à tous mes devoirs en loupant cette histoire ! Incroyable belette et incroyable chute… Comment va la vie en Madagascar ?
Coucou Andy, merci à toi ; Il fait un froid de canard à Madagascar ,-) La bisette
Ah je reviendrai relire… ou re-déguster plutôt ! c’est PARFAIT à souhait ! rien ne manque… ton imagination me laisse coite ! ou si tu veux bouche-bée, entre 2 bouchées….
Alors tu as gagnée ? m’étonne pas… toutes mes félicitations !
J’irai voir les ami(e)s pour continuer à me régaler…
Un grand merci pour ce texte grandiose et bisous
Merci beaucoup Luciole : ) Énormes biyous !
Très bon mercredi Belette, j’ai attendu ca fait longtemps ton passage sur mon blog
anita
bisous
Je ne t’oublie pas, m’en veux pas steuplé, semaine surbouquet (manque de pot) toussa. Ce weekend promis. Des bisous pour toi.
Hé mais je n’avais même pas pris le temps de dire que j’ai adoré ce conte comestible ? faudra pas pas que je me plaigne que le dodo ait disparu, à force de procrastiner !
Du même coup félicitation pour cette première place méritée au palmarès de l’agenda 🙂
et du même coup aussi, Anne (delouvainlaneuve) a décidé que c’était à nous deux de départager les volontaires pour l’agenda de juillet : qui de Martine (écritur’bulente) ou de Grumots ?
j’aime encore bien donner des ordres…
Coucou cher Dodo, merci beaucoup, et mes félicitations à toi aussi .-) J’ai du rater un billet car ne suis pas du tout au courant de la suite de l’aventure …
Tu n’as pas raté de billet, c’est juste Anne qui nous demande de choisir entre Grumots et Martine pour juillet…
et si on disait « qu’elles nous concoctent un thème ensemble » ?
Oui, justement, je viens de cuisiner les commentaires chez Anne, pour me mettre au parfum, et allais te proposer la même chose. Okey, ça roule 😉
Splendide ! je me suis permis d’aller poster l’info sur le blog de Grumot en réponse à un commentaire de Martine, comme ça elles sont averties toutes les deux 🙂
Mais bien sûr, vous eûtes bien fait, l’ami Dodo. Et pis la belette est allée sans crainte chez Anne et chouf ! V’la que l’agenda de Juillet tombe sur mon bonnet à pompon, pas eu le temps de siroter mon café …
Hé oui, le temps qu’on apprenne qu’il faut décider pour les autres, voilà que les autres ont décidé sans nous !
(en fait ça ne me déplait pas du tout)
🙂
et voilà qu’en juillet, il va falloir loger la racine carrée de 28…..
Je ne vais plus faire une partie de Candy crush sans penser à ton texte ! Excellentissime !
Lolle Monesille, merci .-))
Quelle imagination! Bien vu!
: ) Merci Emilie
Eh mais… C’est que cela donnerait faim, mine de rien…
Bon reste de WE à toi.
Merci : ) à toi de même !
Par Saint Honoré, mon patron adoré , j’en reprendrai bien une tranche 😉
un texte absolument P A R F A I T (au café le parfait)
Hahah Valentyne, subtil ! Une petite tranche ? La Madeleine (au cœur brisé) fondait en larmes, lorsque soudain, le charme … Opéra : ) Merci à toua 🌼
Mmmuuummmm ! Quelle régalade ! Et quelle aisance dans ce lieu, en cette belle écriture !
Ce prince est aussi bien léché qu’un ours à la guimauve !
L’idée est rien moins que géniale.
Hello hello Jo, merci : )
J’adore 🙂 🍩🍭🍦🍬
Belette dit merci 🌼
Bravo pour cette histoire qui fourmille d’idées délectables, de savoureuses curiosités ! J’ai goûté chaque mot. Un grand plaisir de lecture. Merci ! 🙂
Laurence, merci beaucoup hey : ) !!
Coucou ma Belette
Ca fait un peu longtemps
Ravie de ton retour avec cette nouvelle texte aussi bon à lire que d’habitude
bisous
Anita
🙂
Hello ma douce ; oui certes, et je ne t’oublie pas. Je suis de passage avec ma fureur d’écrire, mais ce weekend, je me boule sous ma couette aux côtés de mon canaillou ronronneur (mon chien), et je lis ce que j’ai raté pendant mon absence. Bises à toi !
Prends ton temps ma Belette
bisous
Salut Miche,,, Mersi pou sa bon Degustation la…to touzour fer moi Riyer a donffff
Woooaa ça alors : tu m’as lue jusqu’à la faim ? Merci à toi Lion – et à l’agenda aussi 🌷 : )
WelcomE LaBelette…
[…] ! Un peuple singulier avale des n’importe quoi pour nous en faire bâfrer à l’envi. Michèle la Belette, avec son imaginaire improbable survitaminé, nous conte un billet sucré salé à mettre en bouche […]
Bravo la Belette. Voici un récit à la fois enlevé, bien mené, drôle à souhait et à l’imaginaire imprévu tout autant que nourri ! J’ai adoré tes friandises aux gout canibalistique et cette fraicheur polissonne qui parcourt la fable un peu sucrée salée. Vraiment, une belle recrue pour l’agenda ironique, cette belette à la fraise !
Merci Anne : ) Savais-tu qu’à Takalélé-la-Forêt-Noire, les femelles étaient vêtues au ras du bonbon ? Ce qui explique sans doute que tout partait en sucette hein ? (rires)
A reblogué ceci sur Da-Lion.
Je suis morte de rire !!!😂c’est à la fois drôle, philosophique et poétique ! Un vrai conte comme je les aime ! Merci pour cet excellent moment !💥✨✨🎇
Ah merci Asphodèle 🌼 Je savais que je pouvais conter sur toi ;-))
Toujours aussi magique tes textes
Muah ! Merci bien cher ami : )